Se jouant du temps et des lieux, le peintre anglais nous entraîne dans un monde éclatant de couleurs et baigné de mystère. Un envoûtement.
On pourrait y passer des heures, abandonné à la peinture, le regard plongé dans cette fresque murale gigantesque, réalisée en conclusion de son exposition à la Fondation Beyeler, à Bâle. Fixer le mur de pierre ici représenté, prendre le large à travers les fenêtres qu’il a ouvertes sur la mer d’un bleu profond, répertorier chacune des petites fleurs poussant à ses pieds, énumérer les animaux qui s’en approchent — un dindon ici, un petit lézard vert là.
Hypnotique, l’oeuvre du Britannique Peter Doig, 55 ans, accroche d’emblée le visiteur. Car le peintre n’a pas son pareil pour créer des atmosphères mystérieuses, partager un sentiment, de solitude le plus souvent, et surtout maintenir le spectateur dans un entre-deux : entre rêve et cauchemar, nuit et jour, hier et aujourd'hui, grâce à un subtil jeu de couleurs. Dans Figures in red boat, par exemple, marine aux couleurs délavées qui transmettent une incroyable sensation de moiteur. Plus étonnant encore, Some other people’s blues, où un bateau peuplé de personnages fantomatiques, comme échappés d’une fête des morts mexicaine, semble pris dans les lianes d’un bayou, à moins qu’il ne s’agisse des cotillons d’un carnaval du Sud profond.
De toile en toile, Peter Doig nous prend ainsi par surprise, en mélangeant des figures qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Tel ce personnage emprunté à une oeuvre de Daumier, qui se retrouve dans une forêt tropicale. Parfois, ce sont les explications données par l’artiste qui étonnent, notamment lorsqu’il dit que ses paysages de neige sont inspirés des images nocturnes du bombardement de Bagdad.
A la Fondation Beyeler, Doig s’est trouvé le plus extraordinaire des partenaires en Gauguin, présenté dans les salles en face. Il se noue entre les deux peintres un fabuleux dialogue, tant sont nombreux leurs points communs. A commencer par la volonté de chacun d’émanciper la couleur de la réalité. Ils ont également en partage les tropiques, Peter Doig étant installé à Trinité. Raison de plus pour courir découvrir cette exposition exceptionnelle.
Jusqu’au 22 mars à la Fondation Beyeler de Bâle (Suisse) | www.fondationbeyeler.ch